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Urgence démographique, par Pascal Fardin, Talent de l’Outre-Mer 2011





















Les indicateurs économiques sont parlants, les perspectives démographiques inquiétantes. En Martinique comme en Guadeloupe, plus un jour ne s’écoule sans la sortie de nouveaux constats affolants, rigoureusement argumentés et chiffrés, presque désarmants :

  • dégradation du climat des affaires, faiblesse persistante de l’investissement des entreprises, repli de l’activité dans la plupart des secteurs au troisième trimestre 2012 en Martinique selon l’IEDOM(1)
  • 800 millions d’euros de dette cumulée par les entreprises à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique, plus d’un milliard pour la Guadeloupe. 

N’en jetez plus.

Si certaines mesures peuvent, à court ou moyen terme, proposer des solutions de sortie de crise intéressantes, les prévisions démographiques qui concernent la Martinique et la Guadeloupe et dans une moindre mesure la Réunion, laissent augurer une situation bien pire sur une vision plus long-termiste. Au vieillissement accéléré de la population française dans son intégralité, viennent s’ajouter aux Antilles des dynamiques profondément graves :

  • 40 % de la population martiniquaise aura plus de 60 ans en 2040
  • Martinique et Guadeloupe, qui étaient les régions les plus jeunes de France, vont ainsi tenir - avec la Corse - le peloton de tête des régions les plus vieilles de France… devant le Limousin
  • Plus de la moitié des 30-34 ans diplômés du supérieur natifs des DOM travaillent en France continentale
  • Les domiens qui « rentrent » dans leur département sont en majorité ceux qui n’ont pas trouvé d’emploi dans l’hexagone, et se retrouvent sans activité également dans leur département d’origine
  • La « sélection » s’opère au bénéfice de l’hexagone, et au détriment des DOM (2)

Les conséquences de ces constats et prévisions n’incitent pas à l’optimisme : « statistiquement, cela signifie à l’horizon 2040 la contraction d’un quart du nombre des actifs par rapport à 2011, une saignée dans les rangs des élèves et étudiants, le recul de 15 à 20 % du revenu global, et dès les années 2030 un rapport affolant de trois personnes dépendantes pour une ayant un emploi » (3). Un « joli » condensé des défis qui attendent les jeunes générations, au moment même où dirigeants et ressources humaines s’inquiètent de l’avènement de cette fameuse Génération Y (née à partir de 1982), qui serait davantage motivée par l’accomplissement et la réussite de sa vie personnelle, au détriment de son succès professionnel. Challenge insurmontable donc ? Même en évitant de tomber dans les clichés contre-productifs du fameux « y’a qu’à / faut qu’on », l’unique constat actuel est la réponse nous appartient.

Dans un premier temps la diffusion la plus large possible et l’appropriation de ces indicateurs par l’opinion publique, aussi pessimistes soient-ils, est une étape obligatoire : il ne faut plus craindre d’insister sur ce « vide générationnel » que connaissent (et connaîtront encore plus violemment à l’avenir) Karukéra et l’Île aux Fleurs. Les pouvoirs publics commencent à aborder de plus en plus concrètement ces questions, mais certaines logiques de priorisation et d’action à court terme les contraignent à parer au plus pressé, à agir dans l’urgence, et donc à repousser la prise en compte de ces problèmes.

En tant qu’originaires de ces territoires aux allures paradisiaques et au dynamisme économique aujourd’hui restreint, ne devons-nous pas, même à distance, tenter d’agir ? Les solutions existent, certaines sont d’ores et déjà effectives : encourager le développement international afin de viser une cible plus large, aide attribuée aux TPE-PME pour le paiement du salaire des cadres supérieurs, approfondissement de la formation à la gestion d’entreprise, multiplication des grappes d’entreprises dans une logique de mutualisation de coûts fixes…

Sans l’implication d’une part importante des forces vives de nos départements, dont la quasi-majorité n’y réside pas, les perspectives semblent vouées à être limitées. La multiplication des réseaux professionnels « ultramarins », la formation de clusters sectoriels, mais aussi de think tanks concentrés sur les problématiques de l’Outre-mer sont autant de signes encourageants, marquant de façon concrète l’appropriation de certains sujets-clés. L’activité de ces réseaux doit non seulement contribuer à améliorer la visibilité de nos talents dans l’Hexagone et dans le monde, mais également faciliter, à destination de nos départements d’origine, la diffusion de nos compétences. Aujourd’hui les DOM comptent bon nombre de représentants dans les écoles les plus prestigieuses : aucun employeur local ne devrait pouvoir mettre en avant l’absence de compétence quand il s’agit de procéder à un recrutement. Le rapprochement de l’offre et de la demande est une nécessité, mais les conditions de leur rencontre ne sont pas encore idéalement réunies. Nous pouvons faire le premier pas : mettons en avant notre polyvalence, insistons sur l’aspect reproductible de nos expériences, rendons nos savoir-faire plus visibles encore, de telle sorte à ne laisser à nos employeurs locaux d’autre choix que de les reconnaître, de se les approprier, in fine de les utiliser. Sur qui compter pour faire évoluer les lignes sinon sur nous-mêmes ?

Il n’existe pas, à ma connaissance, d’étude statistique précisant le pourcentage de particuliers profondément, voire viscéralement attachés à leur DOM d’origine. Une estimation complètement subjective m’incite à penser qu’une telle analyse déboucherait sur un résultat proche des 90%. L’éloignement est un handicap, l’attachement réel des populations domiennes à leurs territoires est une force.

L’heure est grave, ne nous trompons pas. Un appel à la prise de conscience, à la responsabilisation, et donc à la mobilisation semble aujourd’hui nécessaire : « Si sé pan ou ka fè-y, sé pa pèsonn’ ki ké-y fè-y ban nou ».

Paskal

(1) Source IEDOM (Institut d’Emission des Départements d’Outre-mer) : http://www.iedom.fr/martinique/

(2) Source : « Les tendances démographiques et migratoires dans les régions ultrapériphériques : quel impact sur leur cohésion économique, sociale et territoriale ? » de Claude-Valentin Marie et Jean-Louis Rallu, disponible en téléchargement gratuit via le lien http://www.ined.fr/fr/recherches_cours/questions_a/claude_valentin_marie/ (rapport de synthèse)

(3) Source « Les Echos » : http://www.lesechos.fr/economie-politique/regions/dom_tom/0202520292928-coup-de-vieux-sur-les-antilles-532081.php