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Nicolas Técher, Talent de l’Outre-mer 2015 Interview par Yola Minatchy à Los Angeles

Nicolas Técher, ingénieur du son et compositeur de musique de films pour Universal a été nommé par la présidente du Réseau des Talents de l’Outre-Mer en charge de l’antenne de Los Angeles.

Comment est né votre attrait pour la musique ? Votre choix professionnel actuel correspondait à une vocation ?

J’ai commencé la musique très jeune en apprenant le piano avec ma mère. Je me suis ensuite mis à l’accordéon, puis à la guitare et au violon durant mon adolescence. La musique a donc toujours été ma passion. Pendant que mes amis sortaient, je passais des heures dans ma salle de musique. Faire un métier lié à ce domaine était donc une évidence pour moi, je ne me voyais pas faire autre chose. J’ai eu de la chance que mes parents m’aient laissé libre choix de mon orientation professionnelle, et j’ai donc pu continuer dans le domaine artistique après mon bac.

Racontez-nous vos années d’études, votre parcours professionnel

Je quitte la Réunion en 2007 pour aller étudier à paris à l ’Ecole Normale de Musique de Paris et à l’Université Paris 8 en Musicologie dans un premier temps, avant de me rediriger vers des études d’ingénieur du son à l’EICAR. C’est en faisant un exercice lors d’une classe de composition à l’image que je me suis pris de passion pour la création de musique orchestrale. En 2013, je fais le grand pas et “saute la mer” pour rejoindre Los Angeles, où j’étudie Music Business à UCLA Extension et fais des stages dans les studios de compositeurs, notamment dans ceux des plus célèbres tels que Hans Zimmer et Henry Jackman. C’est en 2014 que je commence véritablement à composer à plein temps et en 2015 que je décroche mes premiers gros contrats, j’ai pu faire des albums pour Universal Music, Red Bull et EMI. Heureux détenteur de la tant convoitée Green Card, je vis maintenant à Los Angeles où j’espère pouvoir entrer dans le monde du cinéma.

Pour quelles raisons avez-vous quitté Paris pour Los Angeles ?

Lorsque je suis arrivé à Paris, je me suis dit que je ne quitterai jamais la capitale, j’adorais vraiment cette ville et j’avais l’intention d’y rester. Mais après avoir essayé de m’y faire une place au niveau professionnel, je me suis rendu compte que le milieu de la musique était très fermé et je n’ai pas réussi à trouver les bonnes opportunités. Un jour mon père me parle de Los Angeles et m’encourage à y aller. Je commence alors à envoyer beaucoup de mails aux professionnels de l’audiovisuel/musique et j’arrive à attirer leur attention. Je fais donc un premier voyage à LA pour les rencontrer et j’ai ce sentiment que la mentalité y est différente, que les Américains sont prêts à donner une chance à ceux qui débutent. Ma décision de quitter la France est alors très vite prise. Je me lance d’abord avec un visa étudiant F1 et un programme appelé OPT (Optical Practical Training) qui me donne la possibilité de travailler légalement sur le territoire après les études, puis je décroche ma carte verte (Green Card EB1) grâce à mon travail en tant que compositeur.

Quitter votre terre natale a-t-il été vécu comme un sacrifice, un déracinement, une nécessité ?

J’ai la chance d’avoir pu beaucoup voyager avec mes parents, partir à l’aventure ne m’a donc pas effrayé. De plus, c’était selon moi une nécessité car Los Angeles est la capitale de l’ « entertainment », que ce soit en musique ou en cinema, c’est ici qu’il faut être. C’est un sacrifice dans le sens où j’ai du me détacher de ma famille, de mes amis, de ma culture Francaise et de mes repères, mais mes ambitions m’ont permis de m’adapter facilement à Los Angeles. Je reconnais un déracinement surtout au niveau de la culture et du mode de vie.

Que vous manque-t-il le plus de votre département d’origine ?

J’ai toute ma famille à la Réunion et c’est donc ce qui me manque le plus. Mais de nos jours avec Skype, il est plus facile de vivre cette séparation. Etant assez gourmand, la nourriture créole me manque aussi.

Quel est votre regard sur la situation économique et sociale du pays dans lequel vous vivez actuellement ?

Je ne sais pas vraiment comment se portent les autres états, mais en ce qui concerne la Californie, la situation est plutôt bonne. Outre les plus grandes compagnies, il y a beaucoup de Startups, beaucoup d’entrepreneurs, on retrouve donc beaucoup de nouvelles opportunités. Ici il fait bon de vivre, les gens sont très sympathiques, avenants, l’atmosphère est très détendue. Los Angeles accueille énormement d’étrangers qui souhaitent réaliser leur rêve américain, le contact humain se fait facilement.

La politique de Trump, qu’en pensez-vous ?

Je pense que nous allons vivre des temps difficiles...Trump n’ayant aucune expérience politique pour gérer un si grand pays, première puissance mondiale, il faut s’attendre à des surprises… Que ce soit au sein même des Etats Unis avec le racisme grandissant, les révoltes, l’opposition, ou avec les relations avec les autres pays, il me paraît évident que nous aurons des problèmes. Trump est beaucoup dans les apparences, il manque beaucoup de fond et de crédibilité. Il n’a rien à perdre, il est vraiment en quête de pouvoir et peut donc se révéler très dangereux.

Qu’appréciez vous de la vie à Los Angeles ?

Avant tout j’aime le climat, il fait pratiquement toujours beau ! J’adore aussi la diversité des paysages qui me rappellent parfois la Réunion, j’ai même trouvé des fruits et légumes de chez nous (bibasse, tamarins, chouchoux…). Encore une fois, l’ambiance est décontractée ici et les gens sont de très bonne humeur (ce qui me change de Paris !). On a aussi le sentiment que tout est possible à LA, qu’une grosse opportunité peut arriver du jour au lendemain. La diversité culturelle est énorme, on retrouve de tout et cela ne peut être que bénéfique pour s’épanouir.

Que vous apporte cette ville de plus que l’Europe ou La Réunion ?

C’est surtout au niveau professionnel qu’il est important pour moi d’être ici. Mon but à long terme est de composer de la musique pour des films, tous les gros studios sont à LA, pour rencontrer les bonnes personnes il faut donc être dans les environs…

Quelle est votre perception de la situation socio-économique en Outre-Mer ? Et plus particulièrement de La Réunion ?

Je dois avouer que je ne suis plus tellement l’actualité en France et à la Réunion, mais il me semble que les Outre-mer se développent de plus en plus et surtout s’ouvrent au monde. J’ai donc l’impression que les choses avancent dans le bon sens car un certain nombre de jeunes décident de diriger vers l’international, notamment grâce aux aides de la région. Cependant à travers les actualités que j’essaie de suivre sur internet, il me semble qu’il reste encore beaucoup de jeunes désoeuvres et j’espère que cela changera très vite.

Comment vivez-vous votre lien avec la France ?

La France a bien sur été très importante pour moi, j’essaie donc de garder quelques liens en me renseignant sur les actualités, en regardant les programmes tv Francais en replay etc. J’essaie aussi d’y trouver des projets afin de garder ce contact avec mon pays d’origine.

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes domiens afin de les motiver à suivre le chemin des Talents de l’Outre-Mer, notamment aux jeunes qui sont en proie à des difficultés dans nos îles ?

Comme disait Tony Robbins, la clé de la réussite est l’obsession ! Et il faut surtout ne pas attendre pour agir, pour se mettre en action afin d’atteindre ses objectifs, il faut y aller par palier, petit à petit mais de façon sérieuse et déterminée. Il faut surtout un plan, savoir où l’on va et de quelle façon. Bien sur que le facteur chance joue un rôle, mais il faut être prêt lorsque celui ci entre en jeu. Je pense qu’il faut aussi ne pas avoir peur d’oser des choses, de contacter un maximum de personnes pour tenter d’avoir leurs conseils, leurs expertises, leur soutien. Ne pas hésiter à aller chercher des aides financières pour pouvoir monter ses projets.

Recevoir le prix talent de l’Outre-Mer a-t-il eu un effet bénéfique sur ce parcours ?

Recevoir ce prix est certainement une excellente distinction ! Je suis persuadé qu’avoir l’honneur de faire partie des Talents de l’Outre-Mer me donne de la crédibilité dans ce que je fais. Il me permet de me demarquer et d’attirer une certaine attention.

Envisagez-vous d’apporter votre contribution à la cause de la mise en valeur de la compétence ultramarine, au Réseau des Talents de l’Outre-Mer ?

Je pense que le meilleur moyen pour moi d’apporter cela est d’aider à mon niveau et du mieux que je peux en parlant de mon expérience et en essayant de donner quelques humbles conseils à ceux qui souhaitent se distinguer. Plus nous sommes nombreux, plus nous ferons parler de nous.

Votre ressenti par rapport à l’insertion et à la représentativité des domiens au niveau local, national ou international ?

De plus en plus de jeunes osent partir, je pense que c’est formidable et essentiel car c’est une ouverture d’esprit extraordinaire et cela ne veut pas dire qu’ils ne reviendront pas, au contraire, ils retourneront plus forts et plus expérimentés. A Los Angeles, je ne connais qu’un seul Réunionnais... mais il est très difficile de s’installer sur le long terme ici a cause des visas. J’ai cependant beaucoup d’amis Réunionnais en Angleterre, dans d’autres états que la Californie, en Australie, au Canada etc. Je pense donc que nous arrivons bien à nous fondre dans ces nouvelles cultures et que cette représentativité est assurée.

Pourriez-vous mettre à terme vos compétences au profit de votre île natale afin d’enrayer le phénomène de fuite des cerveaux ? En somme envisager un "retour au pays natal" ?

En ce qui me concerne, je travaille déjà sur des musiques pour des projets liés à la Réunion, et j’espère pouvoir le faire davantage. Grâce à Internet je peux composer à distance, et n’ai pas le besoin d’être sur place pour échanger avec mes collaborateurs. Cependant, il est essentiel pour moi de rester à LA afin de cotoyer les gros studios. Je pense qu’il ne faut pas limiter et contraindre les jeunes talents, il est primordial qu’ils puissent s’épanouir même s’il faut quitter l’île et revenir plus tard.

Quels sont vos passions, vos loisirs ?

Outre la musique bien sur, j’adore voyager, je fais des road trips pratiquement tous les weekends pour découvrir de nouveaux endroits. J’aime aussi beaucoup le cinéma, puisque mon but à long terme est de travailler dans ce milieu. J’ai comme nouvelle passion la cuisine, c’est aussi de la création dans un sens... Je sors souvent aussi pour voir des concerts.

Un livre de prédilection ? Une "bible" ?

Je ne suis pas vraiment dans la lecture... à part les manuels de mes logiciels/équipements et les articles d’informations que je lis sur internet, ce n’est pas quelque chose qui me passionne.

Faites-vous un geste au quotidien afin de préserver l’environnement, de réduire votre bilan carbone ?

Je fais très attention à mes déchets, le tri est important pour moi.

Quelle serait votre cité idéale dans ce monde en mutation ?

J’aimerais vivre dans un monde où il n’y a pas de snobisme et pas de racisme. Tout le monde doit avoir sa chance, quelque soit son origine, sa culture, sa religion ou ses moyens financiers.

Un film, un reportage à recommander ?

Il y a un très beau film qui fait fureur ici en ce moment : Moonlight de Barry Jenkins. Il est vraiment excellent et je ne peux que le recommander ! Il raconte l’histoire d’un jeune de Miami qui tente de trouver sa place dans la société.

Vous cuisinez à LA ?

Oui je cuisine ! Du moins j’essaie... J’aime tout ce qui est créatif ! Il m’arrive de cuisiner créole aussi. Je suis en ce moment en plein apprentissage de la cuisine chinoise.

Votre nourriture favorite ? Au sens propre et figuré.

J’avais une attirance pour les bonbons miel mais lors d’un récent retour dans mon île natale, j’ai retrouvé. les saveurs de la nourriture Réunionnaise et ne saurais dire a l’heure actuelle ce que je préfère ! (gâteau manioc, gâteau patate, civet de canard, carry poulet ??) Je me nourris aussi de ces paysages californiens qui me font rêver (les belles maisons, les bateaux etc)

LE musée de LA ?

J’adore le Getty Museum car il y a de tout ! Des tableaux, des meubles anciens, des sculptures etc. Et en plus il est gratuit ! On y retrouve aussi une superbe vue sur LA qui nous laisse rêveur. Nous y allons ?

Oui, volontiers. Et votre compositeur de prédilection ?

Je n’ai pas un compositeur en particulier, mais je pourrais en citer trois qui me touchent beaucoup : Chris Bacon (Bates Motel), John Powell (How To Train Your Dragon) et Alexandre Desplat (The Danish Girl).

La musique que vous aimez fredonner ?

J’adore la musique jazz, et me retrouve souvent en train de fredonner « What a difference a day makes ».

Une devise pour l’Outre-Mer ?

L’obsession doit être votre moteur pour réussir ! Il faut y penser tous les jours, persévérer, et se donner les moyens d’y arriver.

Yola Minatchy, Nicolas Técher, Mathieu Goudot Les Talents de l’Outre-Mer à Los Angeles

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